— Tinsley Carlyle ; Présentation .

Dans la vaste chambre, pas un bruit ne se faisait entendre, excepté la respiration longue et paisible d’un jeune homme. Les volets étaient entrouverts et laissaient pénétrer une bande de lumière assez forte qui partait de la fenêtre pour arriver au fin fond de la pièce. Sur son chemin, elle passait par le visage d’une jeune femme brune, plus précisément sur ses yeux et son front. Cette femme, c’était Tinsley. Ses yeux étaient encore fermés, mais elle n’était plus tout à fait endormie. Elle se trouvait dans cet état second qui finit la nuit et précède le réveil. Déjà, elle sentait sa gorge terriblement sèche et sa bouche horriblement pâteuse. Lentement, elle ouvrit un œil, puis l’autre, les plissant fortement tous les deux à cause de la lumière qui lui arrivait brusquement. La jeune femme ne savait pas très bien encore où elle se trouvait, ne reconnaissant pas vraiment les contours de sa propre chambre. Sa tête décrivit un quart de tour vers sa droite où elle trouva l’homme cité plus haut endormi et nu. Cet homme, c’était Adrian, son petit ami. Le regard de Tinsley parcouru rapidement le corps de celui-ci jusqu’à arriver sur un bras négligemment avachit sur le bas du buste d’Adrian. Ce bras était un bras féminin, sans aucun doute. Et ça, ce n’était pas normal, puisque ce n’était ni son bras droit qui tenait le drap sur elle, ni son bras gauche qui longeait le long de son corps. De longs instants, elle resta là à contempler ce bras son comprendre, son cerveau n’étant absolument pas en état de réagir. Et pourtant, la question se posait clairement à son esprit, sans trouver de réponse : Pourquoi un bras féminin qui n’était pas le sien reposait-il sur le ventre de son petit ami ?

Les secondes passèrent, et plus la question se posait, plus un mal de crâne très violent s’imposait en elle. Ce ne fût que quand ce mal de crâne fut complètement établit que le cerveau de la jeune femme commença paradoxalement à re-fonctionner. Elle ne connaissait que trop bien cette impression de tête qui se comprime sans jamais vouloir exploser. Rien de plus simple, elle s’était pris une cuite. Et une dure. A peine cette vérité fut établie que l’image de verres d’alcool se dessina très clairement devant elle. Plusieurs verres, accompagnés du son lointain de rires étranglés. Le regard de la brunette remonta, toujours perdu, de la main féminine jusqu’à une épaule où s’ébouriffaient des cheveux blonds et lisses. Cette fois, ce fut le souvenir de Kelsey et Adrian en train de faire un concours de « qui boira le plus d’eau chaude » qui s’affichait à son esprit. Très calmement, ses idées se faisaient de plus en plus claires. Le trio qu’elle formait avec ses meilleurs amis avait du se retrouver la veille et jouer à un Cap ou pas Cap, comme souvent. Rien de plus normal. Mais cela n’expliquait en rien, le bras féminin, le bras de Kelsey, sur Adrian.

Enervée de ne rien comprendre, Tinsley finit par se redresser, toujours en tenant son drap sur son corps nu. Là, elle trouva sa meilleure amie, nue aussi, allongée sur le ventre collée-serrée à Adrian. Pour la première fois depuis son réveil, le chemin de pensée se fit très rapidement dans la petite tête de la jeune américaine. Elle ne mit pas plus d’une seconde à comprendre parfaitement tout ce qui se passait et à se rallonger brusquement, plaquant ses mains sur ses yeux pour ne pas devoir y penser. La soirée avait dégénéré, et suite à une révélation de celui avec qui elle partageait sa vie depuis plusieurs mois, elle s’était retrouvée à coucher avec sa meilleure amie, avant qu’il ne les rejoigne. C’était limpide, beaucoup trop même. La tentative de se plonger dans l’obscurité réussit, mais ne fit qu’aider les souvenirs à se matérialiser clairement. Comme dans un film, Tinsley revoyait des passages emmêlés de sa dernière nuit. Vaguement d’abord, elle avait pensé à Adrian, mais le petit film qui se présentait à ses yeux clos s’était bien vite attardé sur le corps de sa meilleure amie pour ne plus s’en détacher. Cela ne marqua pas spécialement la jeune brune jusqu’à ce qu’elle constate que ses souvenirs étaient vraiment très précis, un peu trop même. Comme si elle était revenue en arrière, elle voyait nettement les lèvres de son amie dans son coup et ressentait parfaitement les frissons qu’elle avait pu avoir lorsque ses mains plongeaient dans le bas de son dos. S’effrayant elle-même, Tinsley rouvrit les yeux.

La chambre était toujours aussi calme, et rien n’avait changé. Rien, appart les battements de cœur d’une des deux femmes présentes qui s’étaient accélérés. Rien, appart cette même femme qui faisait tout pour se concentrer sur autre chose que celle qui se trouvait à quelques centimètre d’elle. Rien, appart une âme si solide qui était à présent troublée. Rien pour un quelconque spectateur, tout pour l’une des principales concernées.

Elle luttait contre le sommeil qui la saisissait fortement, craignant de devoir fermer les yeux à nouveau. Les minutes s’écoulèrent. Après un long moment, Tinsley s’était à peu près convaincue que les souvenirs qui s’étaient imposés à elle ne signifiaient rien, et qu’après tout quoi de plus normal que le fait qu’elle soit plus marquée par un corps avec qui elle n’avait jamais été si proche que par un corps avec qui elle partageait la majorité de ses nuits. Presque rassurée, et oubliant volontairement les frissons qu’elle avait ressentit car c’était la seule chose qu’elle ne parvenait pas à expliquer, la jeune femme referma les yeux, un rien anxieuse. Tout était noir, et aucune image importune ne venait la troubler. Tant mieux. Peu à peu, alors qu’elle s’oubliait, le souvenir d’une main sur sa poitrine se concrétisa, et une petite secousse la parcouru. Les yeux bleus se rouvrirent pour la deuxième fois. Cette fois c’était sur, hors de question de se rendormir. Afin de ne pas céder à la tentation, Tinsley se leva. Elle se dirigea rapidement vers la porte de la chambre, ayant le souvenir d’avoir laissé ses vêtements dans la salle de bain et arriva en un éclair jusqu’à la poigné. Elle voulait partir le plus vite possible de cette pièce, prendre une douche, n’importe quoi qui la rassurerait et occuperait son esprit. Elle allait presque sortir quand je-ne-sais-quoi la poussa à se retourner et à contempler son amie d’enfance, encore une fois. Etourdie et surtout très inquiète de ses propres réactions, elle sortit enfin et arriva presque en courant à destination. Là même, elle ne s’autorisa pas à souffler. Sans trop réfléchir, elle alluma l’eau froide de la douche et s’aspergea brutalement. La sensation glacée la transit intégralement et empêcha son cerveau de penser. S’il n’en tenait qu’à elle, elle n’aurait plus jamais bougé. Depuis quand Tinsley Carlyle avait-elle peur de la réalité ?